Christiane Head-Maarek, une femme de cheval forcément
Elle appartient à une grande dynastie du monde des courses, la famille Head. Elle a eu comme professeur, son père Alec. Entraîner des pur-sang est sa “vocation”. Sans oublier l’élevage au Haras du Quesnay.
Depuis plusieurs décennies, Christiane Head-Maarek est l’un des entraîneurs les plus en vue de la planète pur-sang. Historiquement, elle est l’une des premières femmes à avoir obtenu sa licence. De même, elle fut la première – et la seule, à ce jour – , à remporter le Prix de l’Arc de Triomphe (en 1979, avec Three Troïkas). Elle a réédité, à deux reprises, grâce à Trêve, en 2013 et en 2014, et s’apprête à aligner à nouveau sa championne dans l’édition 2015, pour un triplé historique aux couleurs de la famille régnante du Qatar. La professionnelle cantilienne a, en outre, dans ses boxes, deux des espoirs de la présente génération classique, en Full Mast, le vainqueur du Grand Critérium-Prix Jean-Luc Lagardère, et en Epicuris, le lauréat du Critérium de Saint-Cloud. La saison s’annonçant ainsi pour elle sous les meilleurs auspices, nous sommes allés logiquement à sa rencontre en ce début de printemps.
Il n’est pas exagéré d’écrire que Christiane Head-Maarek appartient à une dynastie du monde des courses. Son arrière-grand-père, William Head, était jockey d’obstacles, ce que sera aussi son grand-père, pareillement prénommé William, avant de s’installer entraîneur, à Maisons-Laffitte, puis à Chantilly. Tant dans le rôle de jockey que dans celui d’entraîneur, de chevaux de plat ou d’obstacles, William Head junior atteignit les sommets et ouvrit la voie à son fils, Alec, metteur au point hors pair, à l’exceptionnel palmarès, doublé d’un éleveur visionnaire en son haras normand du Quesnay. Des quatre enfants d’Alec et Ghislaine Head – elle-même fille et soeur d’entraîneurs ! – , les deux aînés, Frédéric, dit Freddy, et Christiane, dite Criquette, défraieront, à leur tour, la chronique du turf.
Jockey aux multiples cravaches d’or, le premier est aujourd’hui un entraîneur de grand talent, ayant présidé aux destinées, pour ne citer qu’elle, de la championne des frères Wertheimer, Goldikova. Quant à Criquette, qui n’est pas passée par la case jockey, même si elle monta en courses, dans les rangs des cavaliers amateurs, ses succès d’entraîneur au plus haut niveau se comptent par dizaines, depuis son installation dans les écuries familiales en 1977 : « Je n’ai pas trop tardé à gagner mon premier Groupe I [le sommet de la pyramide, en termes de sélection, NDLR], se souvient-elle, puisque ce fut chose faite en 1978, dans le Prix de l’Abbaye de Longchamp, avec Sigy, que montait Freddy et qui courait sous les couleurs de maman. Ce fut une immense joie, même si l’Arc de Three Troïkas, un an plus tard, m’émut davantage encore. On n’imagine pas ce que l’on peut ressentir dans ces moments-là. Lorsque je suis allée chercher ma pouliche sur la piste, il y avait 50 000 personnes face à nous, applaudissant à tout rompre. Quelle intensité ! » Également montée par Freddy Head et parée de la casaque familiale, Three Troïkas avait été achetée par Criquette elle-même, à l’âge yearling, sur un coup de coeur, et cela ajoutait au bonheur de la jeune femme, alors âgée de 31 ans.
Depuis lors, le palmarès de Christiane Head-Maarek s’est considérablement enrichi. Quelque quatre-vingt-dix Groupe I, français et étrangers, sont tombés dans son escarcelle. Parmi les plus marquants, outre ceux déjà mentionnés, on citera le Prix du Jockey-Club de Bering, les Prix de Diane d’Harbour, Egyptband et Trêve, les Champion Stakes d’Hatoof, la July Cup d’Anabaa ou encore la bagatelle de sept titres dans la Poule d’Essai des Pouliches (Groupe I réservé aux femelles de 3 ans), ainsi que quatre autres dans son équivalent britannique, les 1 000 Guinées.
Christiane Head ne s’est pas trompée de métier en embrassant la profession d’entraîneur, tant elle y excelle : « C’était ma vocation, résume-t-elle, et je n’en ai jamais douté, n’envisageant pas un seul instant de faire autre chose. Être une femme, au sein d’un milieu, à l’époque, essentiellement masculin, ne m’a nullement gênée et ne m’a pas porté préjudice. Vous savez, dès mon plus jeune âge, j’étais avec les garçons, aux écuries, dans les jambes de papa. Un peu plus tard, adolescente, je montais un lot, le matin, avant d’aller au lycée. Et puis, en rentrant, je faisais “l’écurie du soir”. J’ai été tout de suite habituée à cet univers d’hommes et je m’y sentais parfaitement à l’aise. Aujourd’hui, les courses se sont féminisées, jusqu’aux jockeys, et le contexte n’est plus le même. C’est plus facile, assurément, que cela ne l’était naguère, pour les filles qui ne sont pas du sérail. »
Christiane Head n’a eu qu’un professeur, son père, mais quel professeur ! « Papa m’a tout appris en matière d’entraînement, insiste-t-elle, et il m’a aussi donné le goût de l’élevage, au Quesnay, près de Deauville, où, entre autres nombreux champions, il a fait naître et élevé Trêve. Aujourd’hui, il vit beaucoup à l’étranger et c’est Freddy et moi-même qui gérons Le Quesnay. Mais, à 90 ans, papa est toujours là pour nous conseiller. Lorsque j’ai un doute ou un problème avec un cheval, à l’exercice, à Chantilly, je lui en parle et il n’est pas rare qu’il me suggère quelque chose, me renforçant souvent dans mon idée, d’ailleurs, mais cela est déjà beaucoup. D’une manière générale, papa m’a appris à croire en moi. Il tenait lui-même la formule de son père et me disait : “Si tu crois en quelque chose, fais-le !” Bien sûr, on peut se tromper, mais, tant pis, on aura essayé et, souvent, en fin de compte, réussi ! »...Lire la suite...