Palermo, la cathédrale mondiale du polo
De la mi-novembre aux débuts de décembre se dispute sur le terrain de Palermo, à Buenos Aires, le prestigieux Championnat Open de Palermo. Le rendez-vous obligé des meilleures équipes de polo nationales qui rêvent d’inscrire leur nom dans l’histoire de ce sport emblématique de l’Argentine.
Les Argentins l’appellent “la cathédrale”. Autrement dit le temple ou La Mecque du polo dans le monde, l’arène où se produisent, devant un public averti et passionné, les équipes affichant le plus haut handicap, les meilleurs joueurs, les chevaux les plus rapides, les organisations les plus performantes, les petiseros les plus efficaces, bref le nec plus ultra de ce sport sur lequel les Argentins, seigneurs du taco (“le maillet”) et de la bocha (“la balle”), règnent depuis des lustres.
Ce lieu mythique n’est autre que le Campo Argentino de Palermo, situé à Buenos Aires, dans le quartier du même nom, en face de l’hippodrome de la capitale. Au coeur de la ville, ce vaste espace vert, couvrant 3 hectares, tranche sur la forêt de buildings modernistes qui se dresse alentour. Du haut des tribunes, qui peuvent accueillir 30 000 personnes, le panorama est grandiose, et le spectacle bien plus impressionnant que lorsqu’on y assiste au ras du sol. Sur la cancha, rectangle de gazon de 275 mètres de long sur 145 de large les évolutions des équipes, la vitesse des chevaux, la dextérité des joueurs, la violence contrôlée du jeu, frappent le regard. De la mi-novembre aux premiers jours de décembre s’y déroule, depuis 1928, le Championnat argentin Open de Polo, qui célébrait en 2014 son 121e anniversaire. En cette première semaine de décembre, la chance m’était donnée de pouvoir assister aux demi-finales et à la finale de ce tournoi dont les origines remontent à 1893, époque où il s’appelait le Championnat de l’Association de polo du Rio de la Plata.
S’il n’est pas le plus ancien du monde – il fut précédé par d’autres, en Angleterre et en Irlande (1878), en Nouvelle-Zélande (1890) et au Canada (1892) – il reste à ce jour le plus prestigieux, constituant avec les tournois nationaux de Hurlingham et de Tortugas, la fameuse Triple Couronne argentine, convoitée par les huit équipes nationales les plus renommées, possédant entre 28 et 40 de handicap : pour la zone A, La Dolfina (Handicap 40), La Aguada (Handicap 36), Magual (Handicap 33), Miramar (Handicap 28) ; pour la zone B, Ellerstina (Handicap 38), Alegria (Handicap 34), La Aguada Las Monjitas (Handicap 33), Chapaleufú (Handicap 31). Rappelons que 40 de handicap (somme des handicaps des quatre joueurs, chacun étant titulaire d'un handicap de – 4 à +10) est le maximum pour une équipe – à l’exception de l’Argentine, la majorité des tournois oppose des équipes de 20 de handicap – de même que 10 est la plus haute qualification pour un joueur. Depuis 1913, on ne compte qu’une quarantaine de joueurs ayant atteint ce niveau. Aujourd’hui une dizaine de joueurs dans le monde peuvent se flatter d’être 10 de handicap et tous sont argentins, comme la majorité des Handicap 9. Cette prééminence s’explique par le nombre de polistas (autour de 5 000 joueurs), de clubs (300) et de terrains de polo (un millier) que possède l’Argentine. Sans compter la supériorité des chevaux indigènes, les criollos et la qualité des élevages. Le criollo descend des montures importées par les Espagnols à partir du XVIe siècle, chevaux barbes, arabes et andalous, endurants, vaillants, agiles et rustiques, qui s’adaptèrent avec aisance au travail du bétail. À la fin du XIXe siècle, des éleveurs de la province de Santa Fe commencèrent à importer des pur-sang anglais afin d’obtenir, par croisement avec des juments indigènes, des chevaux qui ajouteraient la vitesse et la nervosité à la dextérité et à l’endurance. Le poney de polo argentin était né.
Recherché dans le monde entier par les amateurs et les professionnels du polo, le criollo argentin est accoutumé, héréditairement, comme le quarter-horse, à poursuivre le bétail et à le bousculer, avantage décisif quand il faut marquer l’adversaire. Par ses gènes comme par son dressage, il excelle à démarrer vite, à volter court sur les épaules, à s’arrêter pile, à reculer et à repartir au galop au quart de tour, à changer de pied sur un léger déplacement d’assiette de son cavalier...Lire la suite...