Un jour avec… Benjamin Aillaud, les odyssées d’un centaure
À l’occasion de la sortie de son nouveau show équestre Tagad’Art, rencontre avec cet homme de cheval singulier, qui mène de front carrières sportive et artistique.
Pour pouvoir s’entretenir avec Benjamin Aillaud, il faut se lever tôt ! Quelques jours avant l’avant-première de son spectacle Tagad’Art à Lille, les répétitions s’enchaînent pour les 35 personnes et 25 chevaux de sa nouvelle troupe. À 39 ans, Benjamin a déjà passé quatre ans à sillonner le monde avec la troupe de Cavalia basée à Montréal sur les spectacles Un rêve de liberté et Odysséo, les plus imposants et coûteux de l’histoire du spectacle équestre. Depuis juillet 2012, il est de retour en France et partage son temps entre le haras de Tarbes en qualité de directeur équestre du festival Equestria, son nouveau spectacle Tagad’Art, et les déplacements internationaux pour le suivi de Cavalia et Odysséo. Homme de scène et artiste confirmé, Benjamin est aussi un compétiteur de renom international dans les très exigeantes épreuves d’attelage à quatre chevaux. Meneur principal de l’équipe de France lors des Jeux équestres mondiaux de Normandie l’an dernier, quadruple champion de France de la discipline, il peut également afficher à son riche palmarès le titre de vice-champion du monde à quatre chevaux.
Benjamin est donc double, pluriel en tout cas. D’un côté, il y a l’artiste de rue, le rêveur, le créateur, l’homme de troupe, le chef d’entreprise. De l’autre le sportif de haut niveau, qui pousse la rigueur du geste technique et l’art du dressage classique à son paroxysme. Deux dimensions que certains opposent et qui pourtant forment chez lui un tout harmonieux, autour de sa relation passionnelle aux chevaux, une conception éclairée du dressage équin et un rapport acharné au travail. En compétition comme en spectacle, c’est un pacte de confiance qu’il signe avec les chevaux, fondé sur le respect, l’amusement mutuel et la pluridisciplinarité qui « amènent le cheval tout comme l’homme à se dépasser sur la scène comme en concours ». Il se qualifie lui-même « d’hyperactif » et on ressent chez Benjamin Aillaud une énergie et une capacité de travail impressionnantes, entretenues depuis son plus jeune âge.
Un père d’origine russe, éleveur de vaches et de chèvres, et une mère professeur d’anglais d’origine écossaise, il grandit entouré de ses cinq frères et soeurs dans la ferme familiale des Pyrénées ariégeoises. Dans cette bulle isolée en pleine montagne, le tout jeune Benjamin mène une existence de liberté, au contact de la nature, mais avec ses obligations, notamment celles d’aider dès son plus jeune âge aux travaux de l’exploitation et au soin des bêtes.
« J’ai ainsi grandi les pieds sur terre et même “dans la terre” et assimilé très tôt et de manière empirique ce que j’appelle les notions de choses vraies : le feu brûle, l’eau mouille et un coup de marteau sur les doigts fait mal », confie-t-il en souriant. Sur son temps libre, son père, passionné par les spectacles de rue, a fait de la fratrie une vraie petite troupe et emmène régulièrement son monde se produire en public au gré des fêtes environnantes. Benjamin Aillaud apprend ainsi très tôt à aimer le jonglage, les acrobaties et l’ambiance des représentations.
Avec ses premiers cachets, à seulement 6 ans et demi, Benjamin Aillaud concrétise alors un rêve ; l’achat de son premier cheval, Apache. Avec lui, et les nombreux équidés qu’il ne cessera dès lors d’acquérir, il va apprendre en autodidacte les fondamentaux de la relation et du travail avec un cheval. « Je n’avais aucune connaissance spécifique sur les chevaux mais, ayant grandi au contact d’autres bêtes, j’avais mon bon sens, ma sensibilité et des facilités de communication. Inspiré par les livres de cowboys et d’Indiens, je montais tous les jours et pour la plupart de mes déplacements, y compris pour aller à l’école », se souvient-il. Dans ces jeux d’enfant, tout est prétexte à tenter de nouvelles expériences et renforcer la complicité avec sa monture : traverser des cols d’altitude lors d’expéditions en montagne, coucher le cheval dans un fossé pour se cacher (des Indiens !), traverser une rivière et la gestion d’un attelage pour déplacer des billes de bois. « C’est aussi à cette époque, en m’essayant au ski joëring avec un harnais de fortune bricolé, avec lequel j’avais eu la mauvaise idée de m’attacher, que, traîné dans la neige et presque assommé à force de me cogner contre les troncs après une chute prévisible, j’ai appris les règles fondamentales et les dangers de l’attelage. Une leçon qui me sert encore aujourd’hui. ».
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