Gérard-Augustin-Normand : “les chevaux de courses, c’est comme la Bourse, l’émotion en plus”
En moins de dix ans, Gérard Augustin-Normand s’est imposé comme l’un des propriétaires phare de chevaux de courses en France. Sa casaque est éclectique, de surcroît, s’illustrant dans les trois disciplines, où elle a vaincu au plus haut niveau de la sélection. En plat, Le Havre a remporté le prestigieux Prix du Jockey-Club, à Chantilly ; en obstacle, Royale Flag a été sacrée reine des steeple-chasers de 4 ans dans le Prix Maurice-Gillois, à Auteuil ; au trot, Quif de Villeneuve s’est octroyé le Prix de Cornulier, le championnat des trotteurs montés, à Vincennes. Aimant le challenge et la compétition, Gérard Augustin-Normand n’est jamais aussi heureux que lorsque ses chevaux passent le poteau en vainqueurs, ce qui fut le cas à 130 reprises, dans la spécialité du plat, au cours de l’exercice 2012, soit un score remarquable, inscrit sur les tablettes. Mais, même s’il fut longtemps agent de change, puis à la tête d’une société de gestion – Richelieu Finance – , l’homme n’est pas comptable de sa passion. Et lorsqu’on l’entretient de celle-ci, bien que discret de nature, il sait être disert. Jours de Cheval a recueilli ses confidences.
Comment êtes-vous venu aux courses de chevaux ?
Il y a en moi comme un ancrage génétique en la matière. En effet, mes deux grands-pères étaient des hommes de cheval. Ainsi mon grand-père paternel fut-il entraîneur de trotteurs, au début du siècle dernier, en Normandie, près de Caen. Je ne l’ai pas connu, mais j’en ai souvent entendu parler et j’ai des photos de lui, au sulky, sur sa piste d’entraînement. Quant à mon aïeul maternel, il était passionné par les courses de galop. Il s’appelait Roger Daillé et avait un petit élevage dans le Poitou. Comme mon autre grand-père, il avait ses couleurs. Il s’occupait, en outre, de la Société des courses de La Roche- Posay, qu’il présidait. Je l’ai accompagné bien des fois là-bas, ainsi qu’à Maisons-Laffitte, chez les entraîneurs de l’époque, tels Arthur Bates, Jean Doumen ou encore les frères Pelat. Sachez enfin, dans le même ordre d’idées, que ma marraine n’était autre que la marquise de Triquerville, dont l’époux fut un célèbre propriétaire, notamment celui du champion d’Auteuil et grand étalon Wild Risk. Enfant, j’ai eu la chance de voir évoluer, à Longchamp, le crack Sea Bird et ses fameux dauphins, Reliance, Diatome et Carvin, tandis qu’à Vincennes, je n’avais d’yeux que pour Jamin, Masina ou Ozo. Ensuite, étudiant à Paris, j’allais aux courses très régulièrement. J’ai d’excellents souvenirs de cette époque-là, du Grand Steeple de Pot d’Or, par exemple, sous les couleurs de Robert Weill, le grand-père de mes amis Bernard Weill et Daniel Trèves, ou encore des sauteurs de l’actrice Maria Félix, Chakhansoor, Giquin, Chinco et tutti quanti. J’aimais voir les gens, aussi, tels les grands propriétaires dans le rond de présentation de Longchamp. Les courses sont un spectacle de chevaux et d’hommes.
N’avez-vous pas, à un moment, mis les courses entre parenthèses ?
Après avoir fait Sciences-Po et une licence en droit, je suis rentré à la Bourse, d’abord comme commis, puis j’ai été fondé de pouvoir et agent de change. L’activité boursière est, par essence, très prenante et, pendant un temps, elle m’a éloigné des courses, c’est vrai. La Bourse est, au reste, un jeu, à l’image des courses. On y met aussi beaucoup de passion.
Chassez le naturel et il revient au galop : vous n’avez pas tardé à reprendre la partie…
Je ne l’avais pas complètement arrêtée, en ce sens que je lisais régulièrement Paris-Turf et que j’allais quelquefois à Vincennes, le soir. J’ai même eu un trotteur, en association avec un ami, dans les années 1980. J’ai fait aussi, à l’époque, quelques expériences au galop, mais peu importantes. Mes premiers investissements conséquents dans les chevaux de courses datent de 2007, lorsque j’ai abandonné ma fonction d’agent de change. C’est alors que Bernard Weill et Daniel Trèves m’ont présenté l’entraîneur Jean-Claude Rouget. Le courant est bien passé entre nous et je l’ai mandaté pour m’acheter quelques yearlings cette année-là. Parmi eux, il y avait Le Havre, un poulain qui me plaisait particulièrement, car il dégageait quelque chose : son oeil, son déplacement, sa robe… Il attirait le regard. Deux ans plus tard, Le Havre, préparé par Jean-Claude Rouget et monté par Christophe Lemaire, l’un et l’autre professionnels émérites, m’offrait le Prix du Jockey-Club, le derby français ! Pour moi, c’est un rêve qui devenait réalité. Ce jour-là, j’ai pensé très fort à mon grand-père.
Vous avez une centaine de chevaux à l’entraînement, aux soins d’une vingtaine de professionnels différents. Pensiez-vous en arriver là au commencement de l’histoire ?
Non, pas du tout. Je m’étais même dit que j’allais me limiter à quelques chevaux : comme quoi… En fait, cela a été un enchaînement de circonstances. La réussite aidant, j’ai réinvesti, dans des yearlings, dans des “réclamers” [courses où tous les concurrents sont à vendre après l’arrivée, NDLR] et dans des sujets clés en main, avec le concours de mon homme de confiance Sylvain Vidal, de mes entraîneurs et de mes conseillers, l’excellent Bruno Barbereau et Philippe Lorain. Vous savez, acheter des chevaux de courses, c’est un peu comme investir à la Bourse, cela consiste à saisir des opportunités et il s’en présente tout de même un certain nombre, si bien que je me laisse tenter… Il me convient, en outre, d’avoir plusieurs entraîneurs, car cela me permet de rester libre et indépendant. Et puis, de la sorte, on fait travailler différentes personnes, toutes talentueuses et passionnées. Cela m’apporte aussi une diversification géographique et autorise mes chevaux à profiter des avantages climatiques de certaines régions,