Culture

James Fillis, l'écuyer professeur

James Fillis, l'écuyer professeur
James Fillis, écuyer en chef de l'Ecole centrale de cavalerie de Saint-Pétersbourg (1898-1910) © Musée du cheval de Saumur

Issu du monde du cirque, cet homme de cheval d’exception, souvent controversé, demeure méconnu. Sa pratique, qui ne se limitait pas à la seule équitation de haute école, trouva pourtant un écho favorable dans toute l’Europe jusqu’à Saint-Pétersbourg.

Fillis (1834-1913) est surtout connu pour son galop… en arrière, ou son galop sur trois jambes – dont on moque le “tour de force”. Or, s’il a rencontré la gloire lors de présentations publiques de chevaux dressés en haute école, son enseignement et sa pratique s’étendent bien au-delà, touchant notamment l’équitation d’extérieure et l’équitation militaire. Le succès jamais démenti de son principal traité prouve le rayonnement de son enseignement. Il n’hésitait pas à engager parfois une sorte de lutte avec les chevaux (il montait essentiellement des pur-sang) mais les principes qu’il enseigna s’inscrivirent dans la lignée de l’équitation française dont il se réclamait.

 James Fillis naît le 17 décembre 1834, à Londres, dans une famille d’écuyers de cirques qui essaima au cours du XIXe siècle, en Europe, aux États-Unis et en Afrique du Sud. Il commence à monter à l’âge de 8 ans. « Dès qu’un cheval résistait ou faisait une défense, raconte-t-il, on s’écriait à l’envi : “Mettez le gamin dessus!” Et on le mettait dessus, le gamin, et en avant des talons, de la cravache et de la chambrière ! Le gamin se tenait s’il pouvait et comme il pouvait ou roulait à terre pour être aussitôt remis à califourchon. » « C’est ainsi, poursuit-il, que j’ai commencé, dès l’enfance, à cultiver le grand principe de l’impulsion, qui m’est devenu si cher. » Fillis débute par le travail de panneau, c’est-à-dire la voltige debout sur un cheval. En 1842, son père, Thomas Fillis, meurt. C’est à cette époque qu’il gagne la France où on le trouve, selon plusieurs témoignages, au cirque Soullier. Et c’est dans ce cirque probablement qu’il croise la route de François Baucher qu’il n’eut de cesse d’admirer ou de critiquer. Sans avoir été son élève, Fillis le suivit et l’étudia lors de ses voyages, en Italie, en Autriche, en Suisse de 1847 à 1850. « Sans Baucher, je ne serais jamais arrivé en équitation au point où j’en suis », concéda-t-il.

 Le jeune Fillis quitte le cirque pour entrer à Paris chez sir Richard Wallace en qualité de piqueur-chef des écuries. Il est repéré par Victor Franconi qui l’avait vu monter aux Champs-Élysées et lui trouve de sérieuses et rares qualités. Le célèbre directeur du Cirque des Champs-Élysées (futur Cirque-d’Été, situé à l’emplacement de l’actuel Théâtre Marigny) lui offre de monter en haute école. À partir de 1851, Fillis travaille donc sous sa houlette. Le cirque Franconi est une solide institution parisienne. Parlant du père de Victor Franconi, Laurent, le général L’Hotte écrivit qu’il était « la majesté à cheval ».

 Vers 1855, James Fillis devient l’élève de François Caron, ancien écuyer en chef de l’empereur de Russie, neveu d’Eugène Caron qui fut lui-même un élève de Baucher. Sa carrière d’écuyer, c’est-à-dire de dresseur et d’instructeur, commence en 1859. C’est un travailleur infatigable : « À l’origine, je tenais un manège au Havre, où je montais journellement de quatorze à dix-sept chevaux. Pendant les années où je montais les chevaux de M. le baron Gustave de Rothschild, j’avais toujours un cheval prêt à 4 heures du matin en été et à 5 heures en hiver », raconte-t-il.  ...Lire la suite...