Récompenses Les athlètes français oubliés
C’est un symbole ô combien révélateur : la cavalière allemande de concours complet Ingrid Klimke (photo) a été consacrée sportive de l’année dans son pays par la chaîne allemande Sport1. Une juste récompense pour la fille de l’illustre Reiner Klimke (immense champion de dressage et de concours complet), plusieurs fois médaillée d’or par équipe (dont aux jeux Olympiques de Pékin et de Londres), médaillée d’argent en individuel aux derniers championnats d’Europe à Malmö l’an dernier. Choisie par les internautes, elle devance Nadine Angerer (football féminin) et Sabine Lisicki (tennis). Une reconnaissance qui laisse, pour l’équitation française, un sentiment d’amertume, car jamais un cavalier, ni un jockey français n’ont été honorés de la sorte.
Rappelons qu’en France, trois récompenses de ce type cohabitent. La plus ancienne, celle de notre confrère l’Équipe, existe depuis 1946 et n’a jamais récompensé un homme de cheval. Même constat du côté de l’Académie des sports avec son fameux Grand Prix Serge-Kampf. Quant à l’élection du sportif français de l’année par Radio France, elle n’existe que depuis 2008 et n’a pour l’instant jamais couronné ni nommé de cavalier ! Ce n’est pas pourtant faute d’avoir eu et d’avoir des athlètes de renom sur notre sol. Sans remonter à Pierre Jonquères d’Oriola (champion olympique de CSO en 1952 et 1964), à Jean-Jacques Guyon (champion olympique de concours complet en 1968) ou au jockey de plat Yves Saint-Martin (quinze fois cravache d’or), le silence a été assourdissant aussi bien pour Pierre Durand (champion olympique de CSO en 1988), Éric Navet (champion du monde de CSO en 1990), Nicolas Touzaint (champion d’Europe de concours complet en 2003 et 2007), Alexandra Ledermann (championne d’Europe de CSO en 1999), ou plus récemment Kevin Staut (champion d’Europe de CSO en 2009), Christophe Pieux (quinze cravaches d’or en obstacle) ou Roger-Yves Bost (champion d’Europe de CSO en 2013)…
Il y a de quoi être surpris quand on sait qu’en nombre de licenciés (plus de 700 000) l’équitation est le troisième sport en France (et on ne parle pas des courses hippiques). Mais voilà, pour les médias, l’équitation n’est pas un sport. Il faut dire aussi que la Fédération française d’équitation véhicule depuis vingt ans l’image d’un loisir plus que d’un sport. Et pourtant, quel sportif peut se targuer d’avoir une carrière de plus de trente ans pour certains cavaliers, de vingt ans pour certains jockeys ? Sans compter les risques physiques en complet ou dans les courses (une chute toutes les onze montes pour les jockeys d’obstacles).
Ce qui n’est pas le cas outre-Manche de Tony McCoy célébré en 2010 (avec 4 000 victoires, une star dans son pays), à la cavalière de complet Zara Phillips en 2006 ou sa mère la princesse Anne en 1971. L’Australie, pour sa part, n’a pas hésité à élire sportive de l’année en 2012 l’extraordinaire pouliche de courses Black Caviar ! Les Jeux équestres mondiaux sont l’occasion de réparer cet “oubli”.